Le théâtre politique contemporain est pris dans un "impératif politique". Les œuvres créées doivent revendiquer sinon proclamer qu'elles ont le souci de la politique, en exhiber les signes et lier à tous prix le plateau au monde. Cette prescription n'a pas, bien sûr, la même portée ni la même valeur selon qu'elle provient des pouvoirs publics, du milieu culturel ou des artistes. Une multitude de fonctions est, pour cela, disponible : conscientiser, dénoncer, informer, documenter etc., et... émanciper. L'usage inflationniste de ce dernier terme interroge. Il laisse même perplexe : quelles formes prennent donc ces scènes émancipatrices, quels en sont les présupposés et qu'est-ce que le mot "émancipation" en vient alors à désigner ? Mais a contrario, ce "lieu commun" invalide-t-il, sans retour, l'usage du théâtre dès lors qu'il est question d'émancipation ?
Olivier Neveux est professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'ENS de Lyon et rédacteur en chef de la revue trimestrielle Théâtre/Public. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages qui interrogent les rapports entre théâtre et politique, notamment Contre le théâtre politique aux éditions La Fabrique en 2019. Il a par ailleurs publié des études sur des dramaturges : Jean Genet (Editions Ides et Calendes), Armand Gatti (Editions Libertalia), ainsi que des livres d'entretiens avec la chorégraphe Maguy Marin et la comédienne Laurence Chable (Editions Théâtrales).