La prostitution, un métier comme les autres?

Il est souvent avancé que la prostitution devrait être légalisée parce qu'il s’agit d’un emploi comme les autres. Or, nous avons des raisons de croire que la prostitution n’est pas un métier ordinaire

    1.       Introduction

    Jusqu’ici tout va bien : les préparatifs du mariage tirent à leur fin. Vous entrez chez le pâtissier du coin en anticipant avec amusement le moment où vous demanderez un gâteau pour « Jean et Jean ». Or, à votre plus grand désarroi, le pâtissier refuse votre commande sous prétexte que votre mariage va contre ses « convictions chrétiennes ».

    Voilà une histoire vraie et même une histoire récurrente. En 2013, le juge de la cour administrative Robert N. Spencer a reconnu coupable le propriétaire de ‘Masterpiece Cakeshop’ de discrimination sur la base de l’orientation sexuelle.[1] Cette décision a été maintenue par la Commission des droits civils du Colorado[2] et encore par la Cour d’appel du Colorado.[3] La Cour suprême du même état a refusé de reconsidérer le verdict de la Commission.[4] Des cas analogues ont eu lieu, notamment au Texas et en Irlande du Nord.

    La discrimination est malheureusement monnaie courante; nulle surprise, donc qu’elle ait constitué l’objet de lois partout en Occident. Par exemple, l’article invoqué par Spencer se lit comme suit :

    Est considérée discriminatoire, et illégale pour la personne, la pratique consistant à refuser, directement ou indirectement, de fournir à un individu ou à un groupe la pleine et égale jouissance de biens, services […] en vertu de son handicap, de sa race, de sa foi, de sa couleur, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son statut marital, de son origine nationale ou de son ascendance. (Colorado Anti-Discrimination Act, 24-34-601, (2) (a), traduction libre)

    Dans 24-34-601, les pratiques discriminatoires sont définies dans le contexte du commerce dans un établissement commercial, mais d’autres lois similaires s’appliquent à toutes les activités commerciales.[5]

    Parfois de telles discriminations sont permises (légalement et moralement). Par exemple, pour des raisons de sécurité, l’on peut refuser à un nain de monter à bord d’un manège ou à un lépreux de prodiguer un massage chiropratique. En tenant compte de cette nuance, nous pouvons admettre le principe suivant :

    Non-discrimination : Un commerçant a l’obligation (morale et légale) exécutoire (enforceable obligation)[6] de ne pas refuser des biens ou des services à un client sur la base de leur handicap, foi, orientation sexuelle, etc., à moins que ce trait rende dangereux pour ce client de recevoir des services ou de posséder ce bien.

    En conséquence, l’État devrait intervenir s’il reconnaît le type de discrimination en question. Ce principe semble plausible : la discrimination peut directement causer des dommages graves à l’individu – des dommages auxquels ils ne peuvent d’ordinaire résister sans l’intervention de l’État. Admettre la discrimination peut également nuire indirectement aux autres individus en donnant lieu à un environnement social toxique.

    Chose surprenante, cette histoire de gâteaux nous enseigne une leçon à propos de la prostitution : si le jugement de la Cour du Colorado est correct, alors la prostitution n’est pas un emploi comme les autres.[7] Cette conclusion peut être tirée si l’on inclut les services sexuels dans la liste des ‘biens et services’ mentionnée dans le Principe de non-discrimination et si l’on admet quelques principes supplémentaires tout aussi plausibles.

    Dans la prochaine section, j’explique pourquoi certains ont cru que la prostitution est « un emploi comme les autres » ou « un travail ordinaire ». Dans la troisième section, je m’oppose à cette thèse en utilisant le Principe de non-discrimination; dans la quatrième, je réponds à certaines objections et précise mon argument.

    2.      Le débat sur la prostitution

    Pourquoi devrions-nous reconnaître comme un travail normal la prostitution et les prostituées comme des travailleuses du sexe? La réponse se trouve dans ce que devraient être les transactions légales. Une transaction devrait être légale si (et seulement si[8]) :

    1. La transaction est volontaire.
    2. La transaction ne cause pas de tort (harm) directement aux individus qui ne prennent pas part à cette transaction.[9]
    3. La transaction ne cause pas un degré inacceptable de tort aux individus qui prennent part à la transaction.

    Bien sûr, ce qui compte comme un tort doit être strictement restreint. Cela exclut par exemple le sens dans lequel un individu qui ment à son ami lui cause un tort.

    J’appelle « Libéralisme à propos de la prostitution » la thèse selon laquelle les transactions sexuelles impliquées dans la prostitution remplissent ou pourraient du moins en principe remplir ces trois critères. Les libéraux à propos de la prostitution argumentent de la façon suivante. Premièrement, de nombreux individus décident volontairement de se prostituer. Quand les transactions sexuelles ne sont pas volontaires, il s’agit de viol ou de trafic humain et pas à proprement parler de prostitution. Les libéraux croient donc qu’il faut accepter la prostitution et combattre le trafic humain et le viol. Deuxièmement, le libéral affirme que nul autre que la prostituée et son client n’est impliqué dans la transaction sexuelle (mis à part le proxénète peut-être, lequel n’est certainement pas une victime). La prostitution implique un service procuré à un individu par un autre dans un environnement privé. Troisièmement, le tort causé à la prostituée est comparable à celui d’autres métiers stressants ou épuisants (Nussbaum 1999, 288-97). Quant aux activités volontaires qui échouent à satisfaire le troisième critère, elles sont extrêmement rares (par exemple des transactions de cannibalisme volontaire[10]) et n’incluent pas la prostitution.

    Les libéraux à propos de la prostitution raisonnent donc à peu près de la façon suivante. Si les transactions commerciales d’un emploi respectent les conditions (1), (2) et (3), alors cet emploi est « ordinaire », c’est-à-dire qu’il devrait être légalisé et régulé en accord avec les règles générales du commerce des biens et des services.[11] Les libéraux à propos de la prostitution endossent donc :

    Métier ordinaire : La prostitution est un métier comme les autres, c’est-à-dire qu’il devrait être légalisé et régulé, en général, en accord avec les règles du commerce des biens et des services.

    Il est important de prendre note que le Principe de non-discrimination est non seulement l’une de ces règles du commerce des biens et des services, mais elle en est une règle cruciale et même incontournable. À l’opposé, il y a de nombreuses règles non cruciales du commerce des biens et des services qui ne s’appliquent pas à tous les métiers normaux.

    Les non-libéraux à propos de la prostitution affirment au contraire que la prostitution n’est pas un métier ordinaire. Ils rejettent donc le principe du métier ordinaire sur la base du fait que la prostitution ne satisfait pas, même en principe, certaines des conditions nécessaires des transactions qui devraient être légales (2 et 3).[12] D’abord, les non libéraux avancent que les transactions sexuelles (marchandes) causent du tort à des tiers qui n’ont pas consenti à ces transactions. En particulier, Elizabeth S. Anderson soutient que la prostitution change la nature des relations sexuelles normales (1993, 154-55). Cela se fait par exemple en représentant les femmes comme des servantes de l’homme (Satz 1995, 78). La condition (2) n’est donc pas remplie. Ensuite, les non-libéraux argumentent que de vendre des services sexuels engendre un tort démesuré chez la prostituée puisque se prostituer, c’est perdre un statut social et une identité (Pateman 1998, 207) ou encore son autonomie (S. A. Anderson 2002, 386). La condition (3) n’est donc pas remplie.

    Le désaccord entre libéraux et non libéraux à propos de (2) est un désaccord à propos du type de tort dont l’État devrait se préoccuper. Par exemple, si John blesse sa femme en embrassant une autre femme, ce n’est pas l’affaire de l’État. Les libéraux à propos de la prostitution croient qu’il en va de même pour les symboles sexistes que la prostitution véhicule. Bien sûr, les libéraux peuvent se désoler de l’existence de la prostitution, mais ils croient qu’il serait une erreur pour l’État d’intervenir.

    Le désaccord à propos de (3) est un désaccord à propos du tort spécifique de la prostitution contre la prostituée. Vendre des services sexuels est dégradant, affirme le non-libéral. Le libéral rétorque que chacun peut accorder une valeur et un sens différents à la sexualité dans leur vie. D’ailleurs, l’intervention de l’État ne fait qu’empirer la situation de la prostituée. La prostituée perd un statut social important parce que la prostitution est illégale; quant à la perte d’autonomie, elle est comparable à celle d’employés peu rémunérés. Plus généralement, le libéral endosse :

    Sexualité libérale : L’État a la permission de prévenir (ou de punir un participant à) une transaction sexuelle si et seulement si cette transaction est involontaire.

    Le principe de la sexualité libérale consacre l’autorité discrétionnaire absolue que chacun possède, eut égard à sa vie sexuelle.

    Voilà qui complète notre bref portrait du débat quant à savoir si la prostitution est un métier ordinaire. Les libéraux soutiennent que oui, affirmant que la prostitution est une transaction volontaire, qui ne cause pas de tort à ceux qui ne participent pas à cette transaction et qui n’impliquent pas de tort démesuré. Les non-libéraux soutiennent que non, affirmant que la prostitution, même quand elle est volontaire, cause un tort aux non-participants (à cause des symboles sexistes) et cause un tort démesuré à la prostituée en sapant son statut social, son identité et son autonomie.

    3.      Discrimination de clients : sexe et gâteaux

    Le libéralisme à propos de la prostitution semble nous offrir une position attrayante, bien que les arguments anti libéraux aient un certain poids. Puisque la prostitution implique des transactions volontaires qui ne causent pas de tort directement à des tiers et que le tort causé n’est pas inacceptable du point de vue de l’État, la prostitution devrait être reconnue comme un métier ordinaire. Les prostituées ont donc des droits identiques à ceux des autres travailleurs. Tout ceci semble seoir parfaitement avec notre intuition selon laquelle l’État ne devrait pas réguler les activités sexuelles volontaires. Néanmoins, cette position est incompatible avec les leçons que nous enseigne l’histoire du gâteau présentée en §1. Considérez à nouveau les trois principes suivants :

    Métier ordinaire : La prostitution est un métier comme les autres, c’est-à-dire qu’il devrait être légalisé et régulé, en général, en accord avec les règles du commerce des biens et des services.

    Non-discrimination : Un commerçant a l’obligation (morale et légale) exécutoire de ne pas refuser des biens ou des services à un client sur la base de leur handicap, foi, orientation sexuelle, etc., à moins que ce trait rende dangereux pour ce client de recevoir des services ou de posséder ce bien.

    Sexualité libérale : L’État a la permission de prévenir (ou de punir un participant à) une transaction sexuelle si et seulement si cette transaction est ou était involontaire.

    Or, ces trois principes, essentiels à la vision libérale, sont incompatibles. Le principe du métier ordinaire et le principe de non-discrimination mis ensemble impliquent que les prostituées ont l’obligation exécutoire de ne pas refuser de service à des clients sur la base de leur handicap, de leur religion, etc. En effet, le premier principe dit que la prostituée est une commerçante ordinaire; et le second exige que le commerçant ordinaire ne discrimine pas. Imaginez maintenant qu’une prostituée refuse un service sexuel à un client sur une base discriminatoire. Cette prostituée trouve peut-être qu’il serait dérangeant d’avoir un rapport sexuel avec un homme marié; ou peut-être déteste-t-elle avoir une relation sexuelle avec un fondamentaliste, peu importe. Le principe de non-discrimination dicte que l’État devrait intervenir (pour exiger que la prostituée cesse de discriminer ses clients et les compense). Cependant, le principe de sexualité libérale empêche l’État d’intervenir puisqu’il n’y a pas, en l’occurrence, de transaction sexuelle involontaire. Le principe dit que la prostituée, comme n’importe qui d’ailleurs, est libre de refuser un rapport sexuel avec autrui, peu importe les raisons de ce refus. Pour éviter cette contradiction, je suggère que l’on abandonne le principe de métier ordinaire.

    4.      Objections et précisions

    Il est sans doute naturel de rétorquer que l’intervention de l’État n’est pas à proprement parler une intervention à propos de la sexualité. L’État ne contraint pas la prostituée à ne pas discriminer, mais plutôt à ne pas discriminer si elle veut conserver son emploi. L’objet de l’obligation que l’État impose à la prostituée n’est donc pas sexuel. Plus précisément, l’obligation est : « si tu veux continuer à te prostituer, alors … ». De cette manière, les trois principes sont compatibles.

    Cette critique, si elle est correcte, ne fait que remettre à plus tard la réfutation du principe du métier ordinaire. En un mot, si les trois principes sont vrais, alors l’État a la permission de créer des situations d’exploitation, ce qui est absurde. De fait, prenez les deux principes additionnels suivants :

    Exploitation : Si une personne est forcée ou bien d’avoir une relation sexuelle non désirée ou bien de perdre son emploi, alors cette personne fait face à une situation d’exploitation.[13]

    Et

    Rôle de l’État : L’État n’a pas la permission de créer directement des situations d’exploitation (évitables).

    Le principe du rôle de l’État est minimal : la plupart des libéraux croient que l’État devrait non seulement ne pas créer directement de situations d’exploitation, mais combattre (directement ou indirectement) les situations d’exploitation existantes. Le principe d’exploitation est également difficile à nier. C’est ce qui justifie notre jugement que des enseignants et des patrons ne devraient généralement pas avoir de relations sexuelles avec leurs employés. En effet, il y a un fort risque pour les personnes en situation d’autorité de placer leurs subordonnés dans des situations d’exploitation ou dans des situations qui sont perçues comme telles.

    Il faut remarquer que si une prostituée dans une situation décrite dans le principe d’exploitation décidait d’avoir une relation sexuelle malgré tout, sans changer d’idée à propos de ce qu’elle veut, elle agirait intentionnellement, mais pas volontairement. Si je décide de rendre mon portefeuille à un détrousseur parce que je ne veux pas risquer ma vie, je le fais intentionnellement, mais pas volontairement (Hyman 2015, 87-91). Si une prostituée a un rapport sexuel avec un client afin que l’État ne l’empêche pas de pratiquer son travail, ce rapport est intentionnel, mais pas volontaire.

    Les cinq principes proposés jusqu’ici – c’est-à-dire les principes d’exploitation, du rôle de l’État, de la non-discrimination, de la liberté sexuelle et du métier ordinaire – ne peuvent pas être tous acceptés. Voici pourquoi. Supposons, pour la réduction à l’absurde, que la prostituée est une commerçante ordinaire (par le principe du métier ordinaire). Elle a donc une obligation exécutoire de non-discrimination (par le principe de non-discrimination). Supposons qu’elle enfreigne cette obligation. À ce point, l’État ne peut intervenir directement pour forcer la prostituer à avoir une relation sexuelle (par le principe de la sexualité libérale). Plutôt, l’État peut envoyer le message à la prostituée : « aie une relation sexuelle ou quitte ton emploi ». L’État a donc créé une situation d’exploitation (par le principe d’exploitation). Mais l’État ne devrait jamais créer de telles situations (par le principe du rôle de l’État). Nous avons donc une contradiction. Pour l’éviter, je suggère que nous abandonnions le principe de métier ordinaire, qui est le lien le plus faible de ce raisonnement à l’absurde.

    Fait important, mon argument ne suppose en aucun cas qu’il y a des rapports sexuels volontaires que l’État devrait reconnaître comme dégradants. Mon argument maintient simplement que l’État devrait intervenir quand il y a rapport involontaire; mais mon argument reste muet à propos des rapports sexuels sans désir, émotion, engagement ou respect. Mon argument est donc parfaitement compatible avec le principe de sexualité libérale.[14]

    Cela devient plus clair une fois que nous avons distingué la thèse selon laquelle les rapports sexuels volontaires sont un bien spécial (ce que dont le libéral peut remettre en doute) et la thèse selon laquelle les rapports sexuels involontaires constituent un tort spécial (ce dont personne ne devrait douter). Il n’est nullement nécessaire de croire que la sexualité est particulièrement transcendante pour accepter que d’être forcé à choisir entre la perte de son emploi et un rapport sexuel non consenti soit une situation d’exploitation. Certains répondront que le principe d’exploitation devrait être appliqué à des métiers qui causent des torts similaires. En un sens, je suis d’accord : si la prostitution n’était qu’un emploi ordinaire, cela voudrait dire que d’autres emplois « ordinaires » relèveraient de l’exploitation.

    5.      Conclusion

    Je suis conscient que mon argument peut avoir l’air artificiel pour ceux qui sont préoccupés par les injustices sérieuses liées au monde de la prostitution. Dans les faits, les clients discriminés ne sont certainement pas les victimes du système. Mais ce n’était pas mon propos : je voulais plutôt établir qu’il existe une tension irréparable entre les principes libéraux à propos de la prostitution et le principe de non-discrimination. Si nous croyons que tous devraient conserver le pouvoir absolu de refuser des rapports sexuels et si nous acceptons, à l'instar de la Cour d’appel du Colorado, l’importance des droits civils et donc de la non-discrimination, nous devrions résister à l’idée selon laquelle les prostituées sont de simples marchandes de rapports sexuels.

    Si la prostitution n’est pas un métier ordinaire, que devrait dire le libéral à propos de la prostitution? D’un côté, le libéral peut admettre que les transactions sexuelles marchandes devraient être directement ou indirectement interdites. Il s’ensuit ou bien que les transactions sexuelles ne satisfont pas les conditions des transactions légales (1, 2 et 3) ou encore que ces critères sont insuffisants. D’un autre côté, le libéral peut insister sur le fait que les transactions sexuelles marchandes devraient être légalisées. Par exemple, les individus pourraient vendre des rapports sexuels, mais cela n’en ferait pas des travailleurs ordinaires. Les prostituées pourraient néanmoins être protégées en tant que travailleuses, mais elles n’auraient pas de devoirs légaux, eut égard à la discrimination. Cela ferait de la prostitution un métier tout à fait hors de l’ordinaire.[15]

    6.      Références

    Anderson, Elizabeth. 1993. Value in Ethics and Economics. Cambridge, Mass; Londres : Harvard University Press.

    Anderson, Scott A. 2002. « Prostitution and Sexual Autonomy: Making Sense of the Prohibition of Prostitution. » Ethics Vol. 112, No. 4 : pp. 748–80.

    Assemblée nationale du Québec. 1975. Charte des Droits et Libertés de La Personne.

    BBC News. 2015. ‘Germany “Cannibal” Trial: Former Policeman Is Sentenced’. http://www.bbc.com/news/world-europe-32146031 [dernier accès :  Juillet 2018].

    Hyman, John. 2015. Action, Knowledge, and Will. Oxford : Oxford University Press.

    Nussbaum, Martha Craven. 1999. Sex & Social Justice. Oxford : Oxford University Press.

    Pateman, Carole. 1988. The Sexual Contract. Stanford, Californie : Stanford University Press.

    Satz, Debra. 1995. « Markets in Women’s Sexual Labor. » Ethics Vol. 106, No. 1 : pp. 63–85.

    Saunders, Ben. 2016. « Reformulating Mill’s Harm Principle. » Mind, Vol. 125, No. 500 : pp. 1005–32.

    The Parliament of the United Kindgom. 2010. Equality Act 2010.

    The State of Colorado. Colorado Anti-Discrimination Act.

    Watson, Lori. 2014. « Why Sex Work Isn’t Work. » http://logosjournal.com/2014/watson/ [dernier accès : novembre 2017].


    [1] Voir Craig & Mullins vs Masterpiece Cakeshop Inc. & Phillips; CR 2013-0008, Décembre 2013.

    [2] Voir Colorado Civil Rights Commission’s decision, CR2013-008, Mai 2014.

    [3] Voir Court of Appeals No. 14, CA1351, Août 2015.

    [4] Voir Supreme Court Case No. 2015, SC738, Avril 2016. Depuis la publication du présent article, la Cour Suprême des États-Unis a donné un verdict différent. La cour a admis le raisonnement du plaignant en vertu duquel le pâtissier effectuait un travail artistique par ses gâteaux de mariage, un travail qu’il consacrait à Dieu. Par conséquent, les décisions des cours inférieures « brimaient le droit du pâtissier à la liberté d’expression ». Il semble assez farfelu que le cas de la prostitution puisse être traité de façon similaire.

    [5] Voir par exemple l’Equality Act 2010 de la loi britannique ou le chapitre I, 1, 10-12 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

    [6] C’est-à-dire dont l’application est du ressort de l’État (par opposition à l’obligation strictement morale, comme l’obligation de ne pas mentir à ses amis).

    [7] Pour une approche similaire, voir le blogue de Lori Watson (2014).

    [8] Il est naturel d’ajouter « et seulement si », mais cela n’est pas pertinent pour mon argument.

    [9] Autrement dit, nul ne devrait nuire directement ceux qui ne consentent pas à la transaction (cf. Saunders 2016, 1111).

    [10] Voir le cas de Wojciech Stempniewicz, qui consentît à être mangé par Detlev Günzel (http://www.bbc.com/news/world-europe-32146031).

    [11] Si des libéraux objectent à cette formulation de leur raisonnement, ils devront préciser en quel sens ils affirment que la prostitution est un métier ordinaire.

    [12] Je laisse de côté la condition (1). Bien des gens s’entendent pour dire que trop rarement la prostitution est un acte volontaire. Mais cela n’est pas une objection contre la prostitution elle-même, mais plutôt contre la prostitution involontaire, que nul ne devrait accepter de toute façon.

    [13] Mon argument ne dépend pas d’une conception particulière de l’exploitation, bien qu’il exclue toute conception de l’exploitation qui ne donnerait pas le verdict que je propose dans le principe d’exploitation.

    [14] Notez que l’argument ne présume pas de l’inverse non plus, c’est-à-dire qu’il ne présume pas qu’il n’y a pas de relation sexuelle volontaire que l’État devrait reconnaître comme dégradante. Mon argument est neutre sur cette question générale.

    [15] La question n’est pas close. Il faudrait comparer la prostitution à d’autres métiers qui sortent de l’ordinaire. Par exemple, un prêtre catholique peut refuser d’octroyer un service funéraire à un protestant sans enfreindre la loi, de même qu’un mollah peut refuser de circoncire un non-juif même si chacun d’eux est libre de réclamer un honoraire pour son travail. Peut-être que ces exceptions sont justifiées par le fait que les organisations religieuses sont reconnues comme des organisations caritatives. Dans les faits, la discrimination est parfois admise – ou plutôt, il existe des exceptions à ce qui est considéré discriminatoire. Par exemple, l’article 20 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne indique qu’une « distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi, ou justifiée par le caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d’une institution sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d’un groupe ethnique est réputée non discriminatoire. » Manifestement, l’Article 20 ne s’applique pas à la question de la prostitution. Devrait-il y avoir des restrictions similaires à celles mentionnées dans l’article 20 pour couvrir la prostitution? C’est peut-être la meilleure avenue pour le libéral.