Des préjugés décourageants
Après des études de philosophie, ou peut-être après des études de manière générale dans les sciences humaines ou les lettres, la question préférée de l’entourage semble être : « Oui... Mais concrètement, après tes études, tu vas faire quoi ? » ou encore: « Des études de philosophie, oui, mais pour devenir quoi après ? Il n’en faut pas tant que ça…des philosophes, tu sais… »
L’heure a sonné, il est temps de tordre le cou à certains préjugés quant à l'employabilité supposée désastreuse après des études de philosophie. Il y a pléthore d’options possibles: le tout c’est de garder les yeux et l’esprit ouverts à des opportunités inattendues !
L'enseignement et la carrière académique - des perspectives« évidentes » ?
Après des études de philosophie, il y a deux voies professionnelles auxquelles on pensera peut-être assez vite : l’enseignement au niveau secondaire et la carrière académique.
Pour devenir enseignant de philosophie à l’école secondaire (gymnase, lycée, collège mais également écoles professionnelles) une fois le master en poche ce sera direction la HEP, où une fois admis.e, il faudra suivre une formation pour devenir enseignant.e. Il est à noter que dans certaines universités la formation pédagogique peut se faire en cours de master, ceci est à considérer assez rapidement pour les étudiants qui savent déjà qu’ils se prédestinent à l’enseignement.
Pour autant l’enseignement ne devrait pas être un choix de carrière par défaut, à défaut de mieux, car rien de plus ennuyant qu’un enseignant désabusé, blasé par la pédagogie ! Évitons donc de former des enseignants-tisane, afin de permettre aux élèves d’avoir des enseignant.e.s passionnant.e.s et passionné.e.s par la transmission au cœur de leur métier. Pour vous en convaincre je vous invite à lire le témoignage de Luis Lima, enseignant de philosophie ayant étudié à l'université de Lausanne.
L’autre option « évidente » pour les étudiant.e.s passionné.e.s par la recherche est la carrière académique qui commence par le doctorat. Notez que le doctorat n’est que le premier pas sur le long chemin de la carrière académique et que cela ne signifie aucunement qu’il n’est pas possible de trouver d’autre opportunités professionnelles avec un doctorat en poche. Le doctorat peut être rémunéré lorsqu’il est couplé avec un poste d’assistanat avec lequel vient en général la responsabilité d’enseigner quelques heures de cours. Pour les personnes intéressées par un doctorat, il est également possible de faire un doctorat non rémunéré, et pour ainsi dire de payer pour son propre doctorat (à comprendre : il faut un autre emploi ou soutien financier pour pouvoir subvenir à ses besoins). Après le doctorat suit en général le post-doc. Pour qui envisage une carrière académique, il faut être prêt.e à voyager dans le cadre de sa formation car les places étant limitées, on ne sait jamais trop où le vent nous mène et ainsi faire preuve d’une certaine flexibilité géographique.
Toutefois, ces options – l’enseignement et le doctorat (et tout ce qui s’en suit si le souhait est la carrière académique) – ne sont que deux parmi beaucoup d’autres qui sont peut-être moins connues et/ou moins directes.
Le monde de la politique
Nombre de philosophes en Suisse romande ont fait carrière en politique, soit directement après les études (master, doctorat) soit via des formations complémentaires. Adèle Thorens a une formation de philosophe et politologue et a siégé au conseil national. Judith Notter(-Würgler) est un autre exemple d'une philosophe qui a commencé son parcours par un doctorat en philosophie à l'université de Neuchâtel.
L’éthique – les commissions d’éthique
Dans la recherche scientifique, en particulier lorsque celle-ci implique le vivant au sens large (la nature, les animaux, l’être humain), il y a des commissions d’éthique qui se chargent de veiller à ce que les protocoles mis en place soient respectés, ou qui évaluent les protocoles et projets des laboratoires et unités de recherche. Les philosophes – en tant qu’experts dans les questions éthiques – peuvent également trouver des postes au sein de commissions d’éthique.
Les Ateliers de philosophie
Moments de philosophe est une association qui propose des ateliers pour les adultes et/ou les enfants dont le but est de débattre d’une question de philosophie. Pour animer des ateliers de philosophie il existe même une formation possible, comme proposés par exemple par ProPhilo. Ces ateliers se développent de plus en plus et répondent à une demande sociétale d’impliquer tout le monde, même les plus jeunes parmi nous, dans la discussion, et le réflexion. Voilà de quoi réjouir le cœur des philosophes.
Les consultations de philosophie
Outre-Sarine et dans le monde germanophone plus généralement, une tendance commence à se démarquer, le développement de cabinet de consultation … de philosophie ! Pendant une consultation, on débattra ou discutera un auteur, une question philosophique dans le but de trouver une réponse possible ou peut-être parvenir à reformuler la question ou encore à se rendre compte des aprioris que l’on avait sur tel ou tel sujet, ou philosopher au sujet d'une question qui nous anime dans notre quotidien. Ces consultations semblent s'inscrire également dans le mouvement de philosophical health qui voit en la philosophie un remède possible à un certain mal-être, le mal-être philosophique, ou, plus précisément qui perçoit la philosophie comme une composante de la santé et au bien-être. Un exemple en terre romande et le cabinet de Monsieur Vladimir Loncar à Lausanne
De précieux softskills développés grâce aux études de philosophie
Même si peu d’offres d’emploi s’intitulent « cherche philosophe », il y a néanmoins nombre de compétences développées durant les études de philosophie qui peuvent s’avérer être très précieuses dans le monde professionnel. Pour n’en citer que trois notons l’analyse rigoureuse d’arguments, la lecture et la reformulation de textes complexes, une bonne capacité d’analyse et de synthèse qui se reflètent également dans une rédaction claire.
Ces compétences sont transférables dans le monde professionnel à divers niveau : le journalisme, le monde de la culture (médiation culturelle), la politique comme précédemment mentionné, le monde associatif, mais également l’entrée dans le monde professionnel via la construction de sa propre société/entreprise/ basée sur une idée comme l’ont fait Marion Baslé et Louise Roduit via la mise en place de leur atelier de philosophie Je pense donc c'est chouette.
D’autres professions inattendues
Enfin, je souhaiterai tordre le cou à quelques idées qui hantent encore les bancs d’école et les auditoires : il est de plus en plus rare de faire un seul et même métier tout au long de sa vie. C’est la raison pour laquelle j’aborderai les études de philosophie, ou les études de lettres de manière générale, plus sereinement. Le diplôme obtenu n’est qu’une partie de la réalité du monde professionnel. Il semble évident que cultiver des intérêts larges, et de garder une certaine curiosité quant à ce qui se fait professionnellement mais également culturellement sont des éléments clés pour l’insertion professionnelle de tout étudiant. De plus, avec la gymnsatique intellectuelle que peuvent être certains textes et ou cours de philosophie, j’ose imaginer que la curiosité et la soif d’apprendre sont des qualités au cœur de la discipline, et donc ancrées et solidifiées à travers les études de philosophie. Maintenant, si les études de philosophie vous passionnent, et que vous trouvez un job qui n’a pas grand-chose à voir mais qui vous plaît, n’était-ce pas du temps bien investi de faire ces études ? Dans les nombreuses blagues et reproches que nous avons probablement tous et toutes entendues en tant que lettreu.se.x, est-ce qu’on ne pourrait pas commencer à répondre « Et alors ? » à la remarque : « Ah tu fais des études de philosophie, donc tu seras XXX (insérer ici le nom d’une profession méprisée par la personne formulant cette proposition détestable) » Après tout, pourquoi ne pas être XXX et philosophe de formation ? Pourquoi ces personnes nous souhaitent-elles des regrets ?
Le site orientation.ch mentionne en outre les débouchés suivants pour les étudiants de philosophie : l’administration, les associations et fondations en tant que collaborateur scientifique ; les services privés en tant qu’expert.e des questions éthiques ; les médias, la communication, et la publicité ainsi que le travail dans les bibliothèques et la médiation culturelle.