« Venez donc dîner chez nous ! » : c’est autour de cette forme d’invitation que se déroule le fil rouge de cette satire surréaliste de Luis Buñuel, récompensée de l’oscar du meilleur film étranger en 1973. Don Raffaele, ambassadeur d’un pays fictif d’Amérique latine et accessoirement dealer de drogue, deux couples, les Thévenot et les Sénéchal, et un curé qui aurait préféré être jardinier s’emploient à organiser des dîners les uns chez les autres. Mais d’étranges circonstances font échouer les plans : on se trompe de jour, les hôtes censés recevoir préfèrent faire l’amour dans le jardin, les invités s’enfuient lorsqu’ils se retrouvent soudain sur une scène devant un public... Certains épisodes prennent la forme d’un rêve qu’on raconte, d’autres ne se révèlent comme tels qu’après coup. Les rêves révèlent la vraie nature de ces personnages bourgeois. Leurs motifs inconscients se dessinent en creux, par contraste avec leurs comportements routiniers, faits de mondanités superficielles et de rituels qui tournent à vide.
« La bourgeoisie compte plus pour moi que le prolétariat. [...] Je suis fasciné par ses contradictions. » (Luis Buñuel)
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Compte rendu de Philipp Blum
Devant une cinquantaine de personnes, Thémélis Diamantis nous offrait des remarques intéressantes sur les films de Bunuel et leurs rapports à la psychoanalyse. La psychoanalyse, selon Diamantis, nous peut aider à apprécier ce film parce qu'elle nous fait comprendre que la connaissance, elle aussi, est une affaire du désir et que l'"endroit" de la vérité est dans les rêves. C'est dans ses récits des rêves des protagonistes que le film de Bunuel nous montre comment une "Heimlichkeit" (être chez soi) paradoxale se transforme en "Unheimlichkeit", qui, comme la bourgeoisie elle même, continue d'exister, sans consommer ses désirs (les personnages du film ne mangent que dans leurs rêves, à l'exception du gigot à la fin), sans vrai partage, sans jamais questionner le sens que fait ou ne fait pas leur vie.