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Séminaire sur le cinéma - Faire le Gilles

Par Robert Cantarella
Le Grütli, Genève.
15:00 - 17:00

Les samedis 2 février et 16 mars, le Grütli accueillera Robert Cantarella qui présentera le 2ème et 3ème séminaire de Gilles Deleuze sur le cinéma.

Faire le Gilles

Depuis plusieurs années, Robert Cantarella fait le Gilles, c’est-à-dire qu’il refait les cours de Deleuze de Paris VIII. La performance du comédien consiste à suivre le chemin vocal d’un cours. La voix est dans ce cas un instrument d’interprétation et de combustion du sens entre le professeur et les étudiants. La copie est une expérimentation à haute voix d’une situation supposée unique, celle d’un cours hic et nunc. Deleuze dont la puissance de transmission passait par le sens et le son, joue de toutes les harmoniques pour penser à haute voix. La réflexion intellectuelle qui est constituée par l’enregistrement renaît ici avec une autre incarnation. Souffle, ratures sonores, raclements de gorge, hésitations, reprises, tous les grains de la voix participent à la transmission. Ce travail est par conséquent l’occasion de faire un relevé sur ce que le langage parlé transporte comme sens au delà du sens.

Depuis leur parution dans les années 80, les deux tomes philosophiques consacrés par Gilles Deleuze au cinéma (L'Image-mouvement et L'Image-temps, les Editions de Minuit) ont eu un retentissement intellectuel considérable. Il s'agit là d'une somme éblouissante s'imposant à la fois comme un rouage décisif de son oeuvre et le plus beau, le plus ample, le plus lyrique des ouvrages théoriques sur le cinéma.

Deleuze, une expérience par la voix:

Passer par la voix est un des accès aux sens et à la sensualité, incarnés de façon provisoire, passagère, pendant la durée réelle d’un échange de cours. La théâtralité est réduite à son minimum. Je (Robert Cantarella) suis assis, des oreillettes de petits formats me font entendre la voix de Deleuze, je redis ce que j’entends au plus près de la voix d’origine, en refaisant les inflexions, les suspens, et les interventions.

J’ai d’abord écouté, puis j’ai voulu le faire passer par un corps, le mien, pour repérer les effets physiques d’une copie sonore. Gille Deleuze, lui-même construit sa séance à partir d’un cours préparé et improvise au contact des étudiants. Le rythme, la fréquence, le battement des idées en train de constituer par la voix s’entend, et se ressent. Je ne copie pas les attitudes ou bien une manière d’être, au contraire le texte traverse le passeur qui le retransmet avec la réalité de son corps et du grain de sa voix, dans une proximité qui, elle, peut rappeler les regroupements des cours d’origine.

Je n’ai pas assisté à ces cours. J’ai, comme beaucoup, découvert d’abord l’écriture, puis la voix de Deleuze, dans ce sens-là. La voix, comme moyen de transport m’a souvent facilité la compréhension, je dirai justement la sensation d’une idée, et surtout du chemin de son développement. C’est en jouant avec sa voix que peu à peu je me suis pris à le dire, puis à en faire une copie exhaustive.

Mon métier de théâtre me fait souvent dire à un acteur « dis un peu pour voir » et particulièrement quand le sens paraît bouchonner. J’ai pensé aux exercices de copie si habituels en peinture, et j’ai entamé des ateliers de copie sonore. La pratique, comme en peinture, est jubilatoire pour celui qui fait, et pour celui qui reçoit.

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