La résistance imaginative est invoquée lorsqu’il est question de désigne(r) les difficultés psychologiques que les imagineurs par ailleurs jugés compétents rencontrent lorsqu’ils s’engagent dans des activités imaginatives particulières suscitées par des œuvres de fiction[1]. Si nous ne sommes généralement confrontés à aucune difficulté pour imaginer des récits de voyage dans le temps, des films de super-héros ou des animaux qui ont des activités humaines dans les dessins animés, nous ne sommes pas toujours prêts à jouer le jeu de la fiction avec autant d’aisance. Lorsqu’une fiction nous invite à imaginer : En tuant son bébé, Giselda a fait ce qu’il fallait ; après tout, c’était une fille, l’invitation à imaginer ne suffit pas, nous éprouvons des difficultés psychologiques en tant qu’imagineurs compétents. Il semble qu’un phénomène particulier se produise alors.
Le débat concernant la résistance imaginative est né d'une tentative de déballer ce qui se passe dans ces cas particuliers et déroutants[2], il a fait couler beaucoup d’encre et les chercheurs sont loin d’être unanimes sur un ensemble de questions.
Or, force est de constater qu’un grand nombre de philosophes qui s’intéressent au phénomène de la résistance imaginative emploient les termes « phrase » et « proposition » comme des termes interchangeables. Certains soutiennent qu’il y a des propositions inintelligibles ou que nous lisons des propositions. De manière assez brève, voici pourquoi les termes ne devraient pas être considérés comme interchangeables dans le débat au sujet de la résistance imaginative et plus généralement en philosophie.
Lorsque nous cherchons à comprendre la résistance imaginative dans le cadre de l’engagement narratif, nous considérons des œuvres de fiction narratives, lesquelles sont composées de propositions fictionnelles. Ces dernières sont les vérités fictionnelles sur la base desquelles nous sommes invités à imaginer que tel ou tel état de choses (fictionnel) est le cas dans le monde de l’œuvre. Ainsi, en cherchant à déterminer si la résistance imaginative est un phénomène authentique[3], puis en cherchant à savoir si le phénomène provoque un échec de l’imagination ou une réticence à imaginer, nous sommes amenés à parler de lecture de phrases, de capacité à saisir le sens des énoncés fictionnels, d’imaginabilité des contenus propositionnels des invitations à imaginer, etc. Nous avons donc besoin de distinguer : les phrases (que nous lisons, écrivons, répétons), les propositions (que nous saisissons, comprenons, découvrons), et les contenus propositionnels (sur la base de quoi nous imaginons lorsqu’une œuvre de fiction narrative nous invite à le faire). Puisqu’une phrase se lit, que le sens littéral d’une phrase (une proposition) se comprend, et que le contenu propositionnel d’une proposition fictionnelle est ce que nous sommes invités à imaginer, nous ne devrions pas employer ces termes à la manière des grammairiens.
Les grammairiens considèrent les propositions comme des constituants de phrases, lesquels sont notamment composés d’un sujet et d’un groupe verbal. Puisqu’il n’est pas inhabituel, du point de vue de la grammaire, de dire qu’une proposition est une phrase dans une phrase, un grammairien peut considérer les termes « phrase » et « proposition » comme interchangeables. Il pourrait dire que nous lisons des propositions et que certaines sont inintelligibles.
Pour un philosophe du langage, les choses sont différentes. Une phrase est une entité linguistique qui est notamment soumise à des règles grammaticales et dont le but est d’assurer sa correction (majuscule, point, verbe conjugué, etc.). Encore une fois, une phrase peut être lue, écrite, vue et répétée (il peut y avoir plusieurs occurrences d’une même phrase). Or, nous considérons qu’une phrase pourvue d’un sens exprime une proposition qui a une valeur de vérité (l’objet du logicien) ; la valeur de vérité de la proposition dépend d’ailleurs de son sens. Ainsi, une phrase est une chose, le sens littéral d’une phrase, une proposition, est autre chose, et nous ne devrions pas les confondre.
Dans le cadre de l’engagement narratif, les propositions que nous considérons ne sont pas des énoncés déclaratifs à proprement parler, car elles ne prétendent pas décrire le monde, bien qu’elles décrivent ce qui se passe dans le monde de l’œuvre. Or, les propositions qui ne prétendent pas décrire le monde n’ont pas de valeur de vérité. Ainsi, les propositions fictionnelles ne sont ni vraies ni fausses.
Si nous suivons Frege – nous devrions le suivre - qui distingue le sens et la dénotation[4] d’une proposition, et qui affirme que le sens d’une proposition dépend du sens de ses parties, tout comme sa dénotation dépend de la dénotation de ses parties, alors nous comprenons aisément pourquoi une proposition fictionnelle n’a pas de valeur de vérité. Sherlock Holmes est un détective talentueux, est une proposition fictionnelle. Or, si « être un détective talentueux » est un prédicat, qui dénote un concept dans le monde, « Sherlock Holmes » ne dénote rien dans le monde. Ainsi, puisque la dénotation de la proposition dépend de la dénotation de ses parties (qui elles ne sont, bien entendu, ni vraies ni fausses), et puisque l’un des termes n’a pas de dénotation, car aucune personne physique ne correspond à « Sherlock Holmes » dans le monde, alors la proposition n’a pas de valeur de vérité.
Cela étant dit, lorsque nous cherchons à savoir si un énoncé fictionnel est intelligible, ce n’est pas sa valeur de vérité qui nous importe, mais son sens. Or, il est clair que Sherlock Holmes est un détective talentueux a un sens. Selon Frege, le sens de « Sherlock Holmes » est, par exemple, « le détective privé consultant qui vit à l’adresse : 221 B Baker Street à Londres » et le sens du prédicat est, simplement, ce que cela signifie d’être un détective talentueux. Ainsi, bien que les propositions fictionnelles que nous appréhendons soient dépourvues de valeur de vérité, elles ne sont pas dépourvues de sens. Les propositions fictionnelles ne peuvent pas, puisqu’elles sont le sens littéral des phrases qui les expriment, être inintelligibles[5]. Plus généralement, nous devrions noter qu’il est impossible, par définition, qu’une proposition soit inintelligible, bien qu’une phrase comme Les oiseaux volent en si bémol[6] puisse l’être.
Une objection : Quid des personnes ou des sociétés qui ne maîtrisent pas certains concepts ?
Voici toutefois une objection que l’on se doit de considérer pour préciser ce propos. Admettons que l’on parte du principe qu’effectivement une proposition n’est pas identique à une phrase[7], mais que quelque chose nous déplaise dans l’idée que toute proposition soit intelligible. Il y a un sens, pourrait-on dire, dans lequel nous pourrions penser qu’une proposition est le genre de chose qui peut être inintelligible ; l’on pourrait dire qu'une proposition peut être dite inintelligible relativement à certaines personnes ou à certaines sociétés, si elles ne maîtrisent pas certains concepts. Par exemple, ne ferait-il pas sens de dire que certaines propositions de la physique ou des mathématiques contemporaines auraient été inintelligibles à l'époque pharaonique ?
Réponse à l’objection : nous ne devrions pas confondre une propriété relationnelle non relative avec une propriété relationnelle et relative
Si l’on ne maîtrise pas certains concepts, nous pourrions effectivement qualifier certaines propositions d’inintelligibles pour nous. Or, si ce que nous voulons exprimer est une propriété non relative de la proposition, alors nous ne devrions pas confondre être inintelligible qui est une chose, et être inintelligible-pour-S qui en est une autre.
« Être inintelligible » est un prédicat monadique qui peut être relié à un élément (ci-après souligné) pour former une phrase, nous dirions par exemple : une phrase grammaticalement correcte, mais qui contient une erreur de catégorie est inintelligible. Or, « être inintelligible relativement à » est un prédicat dyadique ; il s’agit d’une expression qui requiert deux éléments pour former une phrase. Nous dirions, par exemple, qu’une proposition est inintelligible-pour-Jules. Ainsi, bien qu’être inintelligible et être inintelligible-pour-S soient deux propriétés relationnelles, car si quelque chose est intelligible - susceptible d’être compris -, le -ible renvoie bien entendu (même si c’est de manière implicite) à un sujet - capable de comprendre -, nous devrions être convaincus que les deux prédicats sont distincts ; le premier est monadique, le second dyadique, le premier est implicitement relationnel, le second relationnel et relatif. Nous pouvons donc, bien entendu, les employer tous les deux, mais pour exprimer des choses différentes, à savoir une propriété relationnelle non relative d’une part, une propriété relationnelle et relative de l’autre. Cela devrait suffire pour soutenir que le sens littéral d’une phrase ne peut jamais satisfaire la propriété non relative d’être inintelligible. Nous pouvons, encore une fois, parler d’inintelligibilité d’une proposition relativement à une personne ou société, mais jamais pour signifier une propriété non relative qu’exemplifie une proposition. Une proposition n’est pas le genre de choses qui peut tomber sous le concept non relatif d’être inintelligible.
Propositions et propositions fictionnelles
Si nous acceptons que les propositions assertives possèdent un sens et une valeur de vérité, et les propositions fictionnelles un sens, mais pas de valeur de vérité, alors nous avons déterminé en un sens ce qui distingue, au moins en partie, les phrases qui ne sont ni vraies ni fausses, des propositions fictionnelles qui n’ont pas de valeur de vérité. Une proposition fictionnelle a un sens, alors qu’une phrase grammaticalement correcte, mais qui contient une erreur de catégorie n’en a pas. Les oiseaux volent en si bémol est une phrase, mais elle n’exprime aucune proposition, car elle ne possède ni sens ni dénotation, il s’agit d’un cas paradigmatique d’énoncé qui exemplifie la propriété d’être inintelligible.
Or, reprenons l’objection, car nous avons dit que les phrases inintelligibles (prédicat monadique) sont uniquement celles qui ne possèdent ni sens ni valeur de vérité, mais l’on pourrait nous rétorquer ceci : qu’en est-il des propositions qui possèdent une valeur de vérité et qui sont inintelligibles pour nous, car il nous manque les concepts nécessaires pour en saisir le sens ? Les phrases qui ne possèdent ni sens ni valeur de vérité et les propositions dont on ne comprend pas le sens, ne sont-elles pas toutes les deux inintelligibles pour le récepteur ?
Ma réponse est la suivante. Puisque les premières sont inintelligibles pour tout le monde, elles sont vraisemblablement inintelligibles tout court, et non pas inintelligibles relativement à une personne ou à une société. Pour le dire autrement, nous ne devrions pas imputer à un agent l’incapacité de saisir le sens d’une phrase qui n’en possède pas. En revanche, l’agent peut pallier ses lacunes en vue de saisir le sens d’une phrase lorsqu’elle est intelligible (prédicat monadique) et inintelligible pour lui[8] (prédicat dyadique).
Ce que nous devrions encore remarquer pour répondre de manière adéquate et pour convaincre notre lectorat est peut-être que, pour parler en termes de défaut ou de manque, le manque ne se trouve pas au même endroit si une phrase est inintelligible et si une proposition est inintelligible-pour-S. Les oiseaux volent en si bémol est une phrase qui respecte les règles grammaticales, mais elle est inintelligible, car la proposition qu’elle exprime n’est ni vraie ni fausse[9]. Elle n’est ni vraie ni fausse, car bien qu’elle soit assertée, elle n’a pas de sens. Or, le sens d’une proposition détermine sa valeur de vérité lorsqu’elle est assertée. Ainsi, parce qu’il manque un sens à la phrase, elle ne peut pas être intelligible, elle n’est pas susceptible d’être comprise. En revanche, la phrase : Une personne continue est un agrégat de phases-de-personne, chacune en relation I à toutes les autres (et à elle-même)[10], exprime une proposition. Son sens dépend du sens de ses parties, et sa valeur de vérité est déterminée par son sens, mais nous sommes probablement incapables d’en saisir le sens, tant que nous ne comprenons pas ce qu’est la relation I, un agrégat de phases-de-personne, etc. Il en va de même pour L’eau est une substance chimique constituée de molécules H2O, si nous ne savons pas ce qu’est une molécule de H2O, il semble évident que nous serions dans l’embarras face à un tel énoncé. Or, force est de constater qu’il ne manque ni sens ni valeur de vérité aux deux derniers énoncés, bien qu’il soit sans doute correct de penser que tant qu’il manque à un agent les connaissances ou les concepts qui les composent, il sera incapable d’en saisir le sens. Ainsi, ces propositions sont inintelligible-pour-S relativement à une privation dont S est victime, à savoir le défaut d’un concept ou le manque d’une connaissance.
Vérités fictionnelles
Revenons un instant sur la dénotation des propositions fictionnelles, car je soutiens que nous avons besoin et intérêt de les considérer comme des vérités fictionnelles. Or, nous venons de dire que ce sont des propositions sans valeur de vérité. De plus, une proposition fictionnelle pourrait théoriquement avoir un sens, mais ne pas consister en une vérité fictionnelle. Ainsi, comment expliquer qu’une proposition fictionnelle puisse être ou ne pas être une vérité fictionnelle, tout en étant un énoncé sans valeur de vérité ?
Quand Frege soutient que les propositions fictionnelles n’ont pas de valeur de vérité, cela ne signifie pas qu’elles n’ont pas de dénotation. Il écrit :
Pour parler bref, nous dirions qu’au style indirect, les mots sont employés indirectement ou encore que leur dénotation est indirecte. (…) La dénotation indirecte d’un mot est son sens habituel. On ne doit pas oublier de telles exceptions si l’on veut comprendre correctement le lien du signe, du sens, et de la dénotation, dans les cas particuliers.[11]
Or, les noms des personnages de fiction sont justement des cas particuliers. Ainsi, bien que « Sherlock Holmes » n’ait pas de dénotation directe, car il n’y a rien dans le monde qui soit une personne physique à laquelle le nom propre fait référence, il a une dénotation indirecte qui correspond au sens de « Sherlock Holmes » dans la pièce, et ce sens n’est autre que celui qui est donné par les descriptions employées pour le caractériser[12]. Autrement dit, il semble que nous puissions parler correctement ou non du personnage « Sherlock Holmes » en fonction notamment des propriétés que nous lui attribuons. Ce que nous exprimons au sujet d’une œuvre de fiction n’est ni vrai ni faux, mais est correct ou ne l’est pas, en fonction des descriptions qui composent l’œuvre et desquelles nous tenons compte ou non, lorsque nous nous exprimons au sujet de l’œuvre.
Cela dit, nous ne devrions pas oublier que lorsque nous nous engageons avec une œuvre de fiction narrative, nous sommes invités à faire comme si - une manière d’imaginer - les propositions fictionnelles qui composent l’œuvre sont vraies, nous ne sommes pas seulement invités à considérer des descriptions, ou si nous le sommes, c’est à les considérer comme correspondant à des états de choses fictionnels. Ainsi, - et toujours en suivant Frege - si le sens de la proposition - Sherlock Holmes est un détective talentueux - dépend du sens de ses parties, si la dénotation de la proposition à l’intérieur d’une fiction est le sens qu’elle aurait utilisée en dehors de la fiction, et si le sens d’une proposition est une pensée chez Frege, qui lorsqu’elle est vraie est un fait, alors puisque les seuls faits des œuvres de fictions sont des faits fictionnels, une pensée vraie fictionnellement devrait être un fait fictionnel. Nous devrions maintenir tout en considérant l’important travail de Frege, la possibilité de soutenir qu’à la condition que dans le monde de l’œuvre, un personnage nommé « Sherlock Holmes » exemplifie la propriété d’« être un détective talentueux », alors la proposition Sherlock Holmes est un détective talentueux est une vérité fictionnelle.
Pour finir ce commentaire, notons que Lamarque qui suit Frege, écrit ceci :
Tout ce que nous savons sur les mondes fictionnels des romans et des histoires dérive finalement des contenus descriptifs des œuvres de fiction elles-mêmes.[13]
Or, si je suis d’accord avec l’idée que ce sont les contenus descriptifs des fictions narratives qui nous permettent d’acquérir des connaissances au sujet des mondes fictionnels narratifs, je crois que nous avons besoin, encore une fois, de parler de vérités fictionnelles. Lamarque nous dit que les œuvres de fictions sont composées de descriptions, et il a certainement raison. Mais il dit également que nous savons des choses relativement aux mondes fictionnels que nous appréhendons. Admettons qu’après avoir vécu une expérience esthétique avec le monde fictionnel créé par Conan Doyle, nous sachions désormais que Sherlock Holmes est un détective de talent. Il me semble que nous n’aurions aucune envie de soutenir que ce n’est pas aussi quelque chose que nous croyons. Cela serait très étrange, comme il serait étrange de dire que nous savons que 2+2=4, mais que nous ne croyons pas qu’il soit vrai que 2+2=4. Or, il est clair aussi que nous n’entretenons aucune croyance authentique au sujet du talent de Sherlock Holmes, en dehors de la fiction. Ainsi, si l’on ne peut avoir une connaissance relative au monde d’une œuvre sans à la fois en avoir une croyance vraie, et s’il est clair que la croyance en question est une croyance qu’il est fictionnellement vrai que p - et non une croyance que p -, alors les descriptions qui composent les œuvres de fiction et qui sont émises par le narrateur de l’œuvre devraient constituer des vérités fictionnelles[14].
Je soutiens que lorsque nous sommes invités à imaginer que Sherlock Holmes est un détective talentueux, notre capacité à imaginer que cela est vrai fictionnellement dépend du monde fictionnel avec lequel nous sommes engagés ; s’il est le cas, fictionnellement, qu’un personnage nommé « Sherlock Holmes » existe dans le monde de l’œuvre, et si ce personnage est décrit comme exemplifiant la propriété d’ « être un détective de talent », alors il est fictionnellement vrai que Sherlock Holmes est un détective talentueux ; il s’agit du genre de chose que nous sommes capables de faire semblant de croire et donc d’imaginer.
Voici encore quelque chose qui a dû sauter aux yeux de mon lecteur. Il peut sembler étrange de soutenir qu’une proposition est le sens d’une phrase, puis de parler tout de même du sens d’une proposition, car si la première précision tient, alors une proposition n’a pas de sens, elle est un sens. Il y a sans doute, à ce propos, une difficulté à laquelle nous devrions réfléchir, car il semble parfois qu’on ne puisse pas faire à moins de parler du sens d’une proposition. Or, quoi qu’il en soit exactement de ce qu’une recherche future dévoilera à ce sujet - c’est un point qu’il faudrait tirer au clair - lorsque nous parlons du sens d’une proposition, ce ne devrait jamais être pour parler du sens du sens d’une phrase.
En résumé, une phrase peut être inintelligible, alors qu’une proposition peut seulement être inintelligible-pour-S. Or, nous ne devrions accepter qu’une proposition soit inintelligible-pour-S que si S est victime d’une privation, le défaut d’un concept ou le manque d’une connaissance, laquelle privation l’empêche de saisir le sens d’une phrase. Autrement dit, dès le moment où un sujet possède les connaissances nécessaires pour saisir le sens d’une phrase, nous devrions admettre que la proposition exprimée est intelligible-pour-S.
[1] TUNA, E. H., "Imaginative Resistance", The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Summer 2020, Edward N. Zalta (ed.), disponible à l’adresse : https://plato.stanford.edu/archives/sum2020/entries/imaginative-resistance/
[2] TUNA, E. H., "Imaginative Resistance", The Stanford Encyclopedia of Philosophy, 2020.
[3] L’une des questions dans le débat.
[4] FREGE, G., « Sens et dénotation », in : Écrits logiques et philosophiques, Paris, Seuil, 1971
[5] Une thèse importante que je défends dans Engagement fictionnel, mémoire et empathie : trois contextes où l’imagination joue un rôle essentiel, trois contextes où se produit le phénomène de la résistance imaginative. Mémoire de master, Université de Neuchâtel, décembre 2022.
[6] Je dois cet exemple de phrase grammaticalement correcte, mais qui ne possède ni sens ni dénotation au Professeur Richard Glauser.
[7] Voici une autre façon d’exprimer pourquoi nous devrions distinguer les phrases des propositions. Seule la distinction entre phrase et proposition permet d’expliquer que : (1) deux phrases peuvent exprimer une même proposition, si elles sont parfaitement synonymes (par exemple, Le médecin des enfants est malade et Le pédiatre est mal portant sont deux phrases distinctes qui ont le même sens littéral) ; (2) une seule phrase peut exprimer des propositions différentes (par exemple, On fait des bêtises à Cambrai, qui peut signifier qu’à Cambrai on y fait des sottises ou des pâtisseries) ; (3) une seule phrase (Je suis, j’existe) peut avoir autant de sens qu’elle a d’énonciateurs.
[8] A ce propos, notons que si les vérités se découvrent, c’est bien parce qu’elles sont ce qu’elles sont, même si nous n’y avons pas nécessairement accès, car il nous manque des connaissances et des concepts pour en saisir le sens. Ainsi, L’eau est composée de molécules H2O, si elle avait été assertée à l’époque pharaonique, n’aurait pas été inintelligible (propriété), mais seulement inintelligible relativement à l’époque, car elle était vraie même si nous ne le savions pas encore.
[9] Et bien entendu, les ordres, les souhaits et les questions sont des énoncés sans valeur de vérité, mais qui possèdent un sens.
[10] D. LEWIS, « Survival and Identity », (1976), traduit par M. Mulcey, in : Identité et Survie, éd. Ithaque, 2015, page 62.
[11] FREGE, 1971, p. 105.
[12] Lamarque écrit à ce propos : Rappelons la remarque faite par Frege : quand nous affirmons à juste titre « Dans la pièce de Shakespeare, Othello tue Desdémone », les noms « Othello » et « Desdémone » ne font référence qu’à leur sens (dans la pièce), et non à des objets non existants. Le sens d’un nom sera donné par les descriptions utilisées dans la fiction ou par des descriptions qu’il est possible d’en dériver – elles caractérisent et identifient sa référence interne. Le sens du nom « Desdémone » est donc donné par ces descriptions (…). LAMARQUE, P., « Peur et pitié », in : Esthétique contemporaine, éd. J. P. Cometti, J. Morizot & R. Pouivet, Paris, Vrin, 2005, p. 389.
[13] LAMARQUE, 2005, p. 388.
[14] Bien que nous ne puissions pas tenir compte de cette distinction ici, nous devrions sans doute distinguer : les propositions émises par l’auteur ou par le narrateur de l’œuvre (tout en distinguant les cas où le narrateur est l’auteur et les cas où les deux sont distincts, mais encore les différences s’il y en a entre les narrateurs de premier et de second niveau, appelés respectivement narrateurs extradiégétiques et intradiégétiques), les propositions émises par les personnages de l’œuvre, et les propositions que nous énonçons au sujet des œuvres.