Le master de philosophie à l’université de Fribourg me permit de découvrir la philosophie d’une autre manière. J’avais auparavant effectué des études à distance. Je pouvais désormais, à Fribourg, voir la tête de mes professeurs, leur parler, discuter de philosophie avec les autres étudiants. Je mis un certain temps à comprendre le fonctionnement de l’université. Le choix était trop libre pour mon esprit d’étudiant français. En France, les choses sont un peu plus encadrées tandis qu’en Suisse, je pouvais choisir d’étaler mes études sur plusieurs années et ne faire qu’une matière par semestre. Je voyais certains étudiants, vivant assez tranquillement leurs études, qui prévoyaient plus de deux ou trois années d’études pour le master alors que celui-ci ne valait que 90 crédits (au lieu de 120 en France). N’ayant pas le temps ni l’argent de m’étaler sur le temps, je décidai donc d’engranger le plus de crédits possibles. Théoriquement, il était possible de faire son master en une année et demie, mais personne n’y arrivait réellement. Je décidai donc de prévoir deux années d’études.
Le premier semestre, je commençais par prendre deux séminaires et deux cours, à la grande surprise de mes collègues étudiants. En général, ces derniers me disaient qu’ils préféraient temporiser, ou ne pas trop se charger. Je me rendis compte que j’avais été assez gourmand, mais je ne paniquais pas. J’étais un peu arrogant au début, me disant que si j’avais pu encaisser dix-huit examens en France en une semaine, je pourrais préparer quatre examens en un semestre. Je m’aperçus cependant de l’ampleur de la tâche. Les travaux de séminaires sont des travaux de recherches qui demandent beaucoup de temps. Cependant, les examens de cours étaient plus faciles à appréhender, car il était possible de passer un oral et de réussir si l’on étudiait suffisamment. Je passais donc ce premier semestre à m’arracher, à trouver le plus rapidement un domaine de recherche qui m’intéressait pour mes deux écrits de séminaire. Fort heureusement, je vivais sur les économies de mon ancien travail de physiothérapeute durant le premier semestre, je pus donc étudier toute la semaine autant que je le voulais. Je réussis donc à m’intégrer à cette nouvelle atmosphère et réussi mes examens. Le deuxième semestre, je réussis à « caler » tous les derniers crédits que je devais effectuer avant l’écriture de mon mémoire. Finalement, je réussis un pari impossible, finir mes études en une année et demie, tout en achevant un mémoire sur l’anarchisme philosophique qui m’avait plongé dans l’étude d’auteurs fascinants.
Pour finir, j’ajouterai quelques mots sur l’université de Fribourg. Bien que l’université ne soit pas aussi vivante que celles que j’ai pu apercevoir en France, elle offre un cadre d’étude intéressant. Les professeurs sont ouverts, acceptent des choix de recherche assez large pour les écrits de séminaire ou de mémoire. Cela laisse à l’étudiant la liberté d’explorer les domaines qu’il souhaite. De plus, il est très facile de communiquer avec les professeurs. Le campus Miséricorde de l’université de Fribourg est à taille humaine. Les classes ne sont jamais surchargées pendant les séminaires. Même durant les cours, qui sont un peu plus remplis, il est possible de discuter avec le professeur et de poser plusieurs questions. Il m’est même arrivé plusieurs fois d’aller boire un coup avec plusieurs professeurs, ce qui est impensable dans la plupart des universités en France. J’ai apprécié cette proximité. Le respect du professeur ne passe pas par l’idolâtrie ou la sévérité, mais se construit via cette approche plus pédagogique, dans la discussion avec les étudiants.
Le système de notation est aussi très différent. En France, malgré une moyenne fixée à 10/20, il est plus difficile de se rapprocher de la note maximale. En suisse, si un élève travaille régulièrement, il est presque assuré d’avoir une moyenne autour de 5/6. En France, il faut travailler plus dur pour espérer une moyenne au-dessus de 16/20. Les attentes ne sont pas les mêmes. Je ne me prononcerai pas sur laquelle de ces deux méthodes est la meilleure. Je dirai cependant que l’approche suisse est encourageante et « casse » moins les élèves. Pour un travail de séminaire, si la démarche est claire et cohérente, l’élève est assuré d’avoir une bonne note, ce qui est une bonne chose, il me semble.